Les grandes lignes de l'accord de gouvernement en Allemagne (CDU-CSU / SPD)


Deux mois après les élections législatives, les Unions chrétiennes (CDU-CSU) et le Parti social-démocrate (SPD) ont présenté mercredi à la presse leur accord de coalition.
Ce pavé de 185 pages, intitulé Deutschlands Zukunft gestalten (Façonner l’avenir de l’Allemagne), avait été bouclé quelques heures plus tôt au terme de cinq semaines d’âpres négociations et d’une dernière séance marathon de 17 heures.

Il détaille le programme du futur gouvernement de Grande coalition : création d’un salaire minimum, avancées sur les retraites et le travail intérimaire, compromis sur l’octroi de la double nationalité et la création d’un péage automobile, frein à la hausse des loyers, mise en œuvre du tournant énergétique, politique budgétaire, politique européenne

La présentation du contenu de cet accord de coalition a suscité en Allemagne des réactions contrastées. Les syndicats ont exprimé leur satisfaction : ils se félicitent notamment des multiples mesures visant à améliorer la situation des salariés. Le patronat, à l’inverse, s’est déclaré déçu : il estime que les intérêts des entreprises avaient rarement été aussi ignorés par un accord de coalition.

Salaire minimum
Comme prévu, la création d’un salaire minimum, souhaitée par les trois partis signataires, sera l’un des projets phares de la nouvelle coalition. L’accord prévoit la création d’un salaire minimum légal de 8,50 euros de l’heure au 1er janvier 2015. Selon la presse, quelque 5,6 millions de salariés, dont la rémunération n’atteint pas ce plancher, seraient potentiellement concernés.
Dans les faits, cependant, les branches dotées d’une convention tarifaire représentative auront encore la possibilité, pendant les deux premières années, de négocier un plancher salarial inférieur à 8,50 euros. À partir de 2017, ce montant deviendra ensuite obligatoire sur tout le territoire allemand. Les revalorisations successives du salaire minimum seront arrêtées par une commission composée d’experts et de représentants des partenaires sociaux.
L’accord ouvre également d’autres perspectives d’amélioration pour les salariés, en particulier pour les intérimaires. L’emploi d’un collaborateur par le biais d’une société d’intérim sera limité à 18 mois, et la rémunération de ce dernier devra être identique à celle d’un salarié normal de l’entreprise au bout de neuf mois au maximum.

Retraites
D’autres avancées sont prévues, dès l’année prochaine, en matière de retraites. Le compromis trouvé a consisté à additionner les mesures proposées par les signataires. Selon le vœu de la CDU-CSU, les mères de famille se verront  ainsi accorder l’équivalent de deux années de cotisation par enfant né après 1992. Selon celui du SPD, les salariés ayant cotisé 45 ans pourront prendre leur retraite dès 63 ans (au lieu d’un peu plus de 65 aujourd’hui) à partir du 1er juillet prochain. L’accord prévoit, par ailleurs, d’autres mesures d’amélioration en faveur des employés à bas salaires et des titulaires d’une pension d’invalidité.

Europe
En matière européenne, la Grande coalition devrait plutôt s’inscrire dans la continuité de la politique actuelle. L’accord ne prévoit aucune mutualisation de la dette des pays de la zone euro : chaque pays restera responsable de son désendettement. Toutefois, la future coalition reprend également à son compte l’inflexion actuelle de la politique européenne de l’Allemagne en faveur d’une politique de soutien plus actif à la croissance et à l’emploi en Europe.
Au niveau national, la future Grande coalition poursuivra le cap actuel du désendettement. Elle financera, par ailleurs, de grands projets que l’accord évalue à 23 milliards d’euros. Le chapitre budgétaire du document, intitulé « Des finances solides », énumère les priorités en détail : cinq milliards d’euros pour l’éducation et l’université, trois milliards pour la recherche et développement, cinq milliards pour les infrastructures de transport. Ces objectifs seront financés sans hausse de la fiscalité.

Tournant énergétique
Parmi les grands investissements des années à venir figurent aussi, bien sûr, ceux qui sont liés à la mise en œuvre du tournant énergétique. Un domaine dans lequel les investisseurs ont besoin d’une visibilité à long terme, car ces infrastructures souvent lourdes (parcs éoliens, fermes solaires, mais aussi centrales conventionnelles au charbon ou au gaz) se construisent pour une durée de 30 à 40 ans. L’accord précise donc dans quel cadre ils pourront agir : la coalition a pour objectif de développer les énergies renouvelables afin qu’elles représentent 55 à 60 % de l’électricité consommée en Allemagne d’ici à 2030.

Double nationalité
Et de l’autre, de la question de la double nationalité. Actuellement, les enfants nés en Allemagne de parents étrangers ayant grandi sur le territoire allemand doivent choisir entre la nationalité allemande et leur nationalité d’origine à l’âge de 23 ans. L’accord prévoit de supprimer cette obligation : les personnes concernées auront le droit de conserver la double nationalité.
Enfin deux autres grands sujets de controverse auront fait l’objet d’un compromis entre les signataires de l’accord. Il s’agit, d’une part, de la création d’un péage automobile sur les routes allemandes pour les voitures immatriculées à l’étranger.

Composition du gouvernement : l’inconnue
Quant à la répartition des portefeuilles ministériels, elle reste pour le moment secrète. Selon la presse, huit ministères seraient dirigés par la CDU, six par le SPD et quatre par la CSU. Mais la composition du gouvernement ne sera rendue publique qu’après la consultation des militants du SPD.
Pour l’heure, seules les instances dirigeantes et les groupes parlementaires des trois partis ont, à de larges majorités, validé l’accord.
Les 473 000 adhérents du SPD sont appelés à voter par correspondance d’ici au 14 décembre pour approuver, ou non l’accord. La CDU, de son côté, réunira un mini-congrès le 9 décembre.

Si l’accord est approuvé, Angela Merkel pourrait être réélue chancelière par le Bundestag, le 17 décembre prochain.